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Le Pin de Wollemi : une légende dans le monde des plantes

Le pin de Wollemi est le témoin de l'extraordinaire résilience du monde des plantes, comme de leur fragilité. A l’occasion des 30 ans de sa découverte, retour sur un arbre emblématique du Jardin des Plantes.

©Thomas Houplin
©Thomas Houplin

L’arbre à remonter le temps

A l’occasion des 30 ans de sa découverte, retour sur un arbre emblématique du Jardin des Plantes. Planté en 2006, voici quelques-uns de ses secrets.

Une rencontre fortuite dans une gorge isolée du bout du monde

Le Pin de Wollemi (Wollemia nobilis) a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. D’abord connu des scientifiques au travers des fossiles d’espèces très ressemblantes, cette lignée ancienne semblait avoir disparu depuis des millions d’années, jusqu’à ce que David Noble, explorateur et gardien de parcs, découvre en 1994 la seule population encore existante de cet arbre dans le Parc National Wollemi, quelque part au nord de Sydney en Australie. C’est lors d’une exploration de gorges isolées, difficiles d’accès et mal cartographiées, que l’explorateur de nature vierge a trouvé cette espèce qui ne compte plus qu’une poignée d’individus adultes. Un petit goût de Jurassic Park version végétale ! 

Apparemment inconnu des descendants de populations indigènes, il fut peut-être le premier Homo Sapiens à poser le regard sur cet arbre emblématique qui est un des derniers représentants d’un monde qui n’existe plus mais qui a évolué vers celui que l’on connait aujourd’hui. Habitué à la flore du sud-est australien, Noble a tout de suite compris qu’il s’agissait d’une espèce encore jamais observée dans ce coin du monde. Dans un livre dédié à l’espèce, The Wollemi Pine de James Woodford, il raconte avoir d’abord réagi au changement d’atmosphère, plus lumineuse, lorsqu’il entra dans le bosquet. Ses yeux se sont ensuite arrêtés sur les feuilles et rameaux séchés au sol, puis sur le tronc à l’écorce boursouflée, et enfin se sont élevés vers les cimes à 40 mètres de hauteur. Sans savoir qu’il s’agirait d’une des plus grandes découvertes botaniques du siècle, il avait cependant compris que quelque chose de spécial se passait… 

Peu de temps après sa découverte, il partagea avec des scientifiques le secret de l’emplacement du Wollemia nobilis, ainsi qu’un fragment de branche qu’il avait prélevé. Par la suite, d’autres échantillons furent prélevés pour faciliter l’identification.

Un travail de détective

Grâce à l’analyse des échantillons, ils ont rapidement conclu qu’il s’agissait d’un nouveau genre dans la famille des Araucariacées, une famille ancienne de plantes, et donc d’un proche-parent du Désespoir du Singe (Araucaria, qui a donné son nom à la famille) et de l’Agathis, un autre arbre d’une lignée ancienne et dont l’espèce Agathis jurassica, éteinte il y a fort longtemps mais préservée dans les fossiles, ressemble à s’y méprendre au Wollemia. Coup de tonnerre dans le monde de la science! Un nouveau fossile-vivant venait d’être découvert !

Mais la lignée des Wollemia était en réalité connue des scientifiques depuis les années 60 par le biais des pollens fossilisés sans savoir qu’une espèce de cette lignée était encore en vie. 

Chaque plante à graines produit des grains de pollen aux caractéristiques propres (taille, forme, aspérités,...) à son espèce. En d’autres termes, il existe pour ainsi dire autant de formes de pollen qu’il existe de plantes à graines ! Les palynologues, des scientifiques spécialisés dans l’étude des grains de pollen-fossiles, ont retrouvé un peu partout en Australie, Nouvelle-Zélande et Antarctique (qui n’a pas toujours été ce désert glacé), des grains de pollen très similaires présents en grand nombre et sur des périodes géologiques très étendues, sans jamais pouvoir les rattacher à un groupe de plantes connues. Ils ont donc créé le genre Dilwynites pour y “ranger” tous ces mystérieux pollens.

Grâce à cette découverte de 1994, les scientifiques ont enfin pu mettre un “visage” sur ces pollens: ils appartiennent en réalité à la lignée du Pin de Wollemi et témoignent d’une aire de répartition bien plus étendue qu'aujourd’hui. Les espèces de Wollemia existaient en effet depuis au moins 91 millions d’années et dans de vastes zones de l’hémisphère sud. Mais dans les couches géologiques d’il y a 10 millions d’années, la diminution du nombre de pollens-fossiles de Wollemia indique une amorce de déclin. Puis, il y a environ 2 millions d’années, c’est la chute. Nous n’en connaissons pas les raisons, certainement un mélange de facteurs. Les populations se sont probablement fragmentées, des espèces ont disparu, et aujourd’hui le Wollemia nobilis se tient seul comme totem de l’illustre passé de sa lignée à la conquête de l’hémisphère sud, comme beaucoup d’autres lignées des Araucariacées dont les populations sont de nos jours souvent fragmentées, isolées. Ainsi en va l’histoire de l’évolution du vivant.

©Thomas Houplin

Dans la famille des plantes, je voudrais… le “fossile-vivant”

Il faut d’abord revenir sur une distinction primordiale. Pour les non-initiés, si on leur demande ce qu’est une plante, ils penseront tout de suite aux bien-aimées roses, pivoines ou bien encore pensées. En d’autres termes, aux plantes à fleurs. Mais les plantes à fleurs sont les petites dernières de la famille dans l’histoire de l'évolution du végétal, et sont “seulement” apparues il y a environ 150 millions d’années. Elles forment un groupe que l’on appelle les Angiospermes, et qui regroupe toutes les plantes qui produisent des graines (ovules) protégées au sein d’un ovaire (qui devient, pour simplifier, un fruit).

Les ancêtres de ces plantes à fleurs produisaient également des graines, mais celles-ci n’étaient pas protégées au sein d’un “ovaire-fruit” et ne produisaient pas de fleurs. Elles formaient, et forme toujours, le groupe des Gymnospermes. Des représentants de ce groupe vivent parmi nous, notamment les Pins dont le bois est tant prisé sur les chantiers de construction. Une caractéristique des pins est de produire des cônes, qui ne sont pas des fleurs et laissent apparaître la graine à nu, de la même manière que notre Wollemia. Auparavant dominant dans le paysage, ce groupe est de nos jours bien moins représenté qu’avant l'avènement des plantes à fleurs. Quelque 900 espèces ont bravé les vicissitudes du temps et ont su évoluer, s’adapter, au fur et à mesure des périodes de glaciation et de réchauffement, faisant face à la nouvelle concurrence des plantes à fleurs, pour arriver jusqu’à nous. C’est là qu’entre en scène notre Wollemia nobilis, puisqu’il est le dernier représentant d’une lignée de Gymnospermes anciens.

Voilà donc un de ses principaux attraits : imaginer à quoi pouvaient ressembler les forêts au temps des dinosaures, lorsque les espèces de Pins de Wollemi se trouvaient un peu partout sur l’ancien supercontinent du Gondwana… Observer un Pin de Wollemi, c’est contempler un temps beaucoup plus long que celui de notre vie. Non seulement parce qu’il nous vient d’un temps bien avant l’arrivée d’Homo sapiens, mais aussi parce que certains des individus sauvages seraient vieux de plus de 1000 ans ! C’est en tout cas l'âge estimé du Vieux Roi Billy, surnom donné à ce qui serait le plus vieil individu sauvage !

Un renouveau

Depuis sa découverte, il a été multiplié et distribué un peu partout dans le monde afin de sauvegarder l’espèce qui était au bord de l’extinction. Quant aux individus sauvages en Australie, ils font l’objet d’une surveillance farouche de leurs gardiens. Ils bénéficient désormais de la plus haute protection légale possible et ils ont été considérés prioritaires lors des violents incendies qui ont ravagé l’Australie ces dernières années et ont pu être sauvés de justesse, jusqu’à maintenant. 

Leur emplacement reste secret, difficile d’accès. Seuls quelques privilégiés ont accès au site, principalement les scientifiques qui étudient l'espèce, car si sa valeur patrimoniale est indiscutable, il n’en reste pas moins qu’ils s’agit d’une toute petite population, fragile, pour laquelle le piétinement des touristes, et par conséquent le tassement du sol, les fragiliserait encore plus. Autre problème: nous transportons sur nos chaussures toutes sortes de germes qui pourraient leur nuire de manière irréversible, comme le phytophthora, un champignon bien connu des jardiniers qui s’attaque aux racines. Sans parler des feux de forêts accidentels causés par les mégots jetés ou les barbecues sauvages…

Et notre Wollemia lillois ?

C’est avec une fierté certaine que le Jardin expose un exemplaire de ce superbe arbre légendaire. Celui-ci a été planté le 27 septembre 2006 par l'équipe du jardin. Vous pouvez l’admirer au pied de la Grande Serre, dans le prolongement de l’entrée principale. Vous remarquerez des organes ronds au bout des branches : Il s’agit des fameux cônes, ou pommes de Pin de Wollemi ! Ce sont ici des cônes femelles - les cônes mâles sont allongés !

En effet, il s’agit d’une espèce qui sépare les appareils reproducteurs mâles et femelles - on dit qu’elle est monoïque. L’enclos grillagé permet de le protéger des incivilités mais aussi de l’entourer d’un voile d’hivernage en hiver, puisque cette espèce n’est pas tout à fait rustique (jusqu’à -12*C).

Et si les plantes “anciennes” vous intéressent, vous retrouverez d'autres illustres membres des lignées de Gymnospermes au Jardin, tel qu’un Agathis dans la serre tropicale humide, un Podocarpus à l’entrée de l’orangerie, un Araucaria (Araucaria heterophylla) à l’intérieur de l’orangerie, un autre Araucaria (Araucaria araucana) et un Metasequoia dans le parc, ou bien encore un Zamia que vous pourrez observer dans nos collections intérieures !

Bibliographie:

  • Woodfrod, James, The Wollemi Pine, The Text Publishing Company, Melbourne, 2000
  • https://www.conifers.org/ar/Wollemia.php
  • https://www.anbg.gov.au/gnp/interns-2004/wollemia-nobilis.html
  • https://www.nationalparks.nsw.gov.au/plants-and-animals/wollemi-pine

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